Preah Ram sort avec ses familiers pour une promenade dans laforêt. Seta accompagnée de ses dames d’honneur s’en va se baigner dans un étang. Une Yakkhinei, cousine de Rab, prend l’apparence d’une des suivantes, se faufile dans la partie et rentre avec les autres dans le palais. A sa prière, Seta dessine sur une ardoise le portrait de Rab. Les dames l’arrachent pour l’admirer ou l’insulter. Preah Ram revient.
La Yakkhinei disparaît comme par enchantement. Affolement général. Seta cherche en vain à faire disparaître l’image. L’âme de Rab s’est incrustée dans les traits qui le représentent. Plus Seta efface le portrait, plus il s’anime.
Preah Ram arrive. Seta jette l’ardoise sous le lit et la dissimule tant bien que mal. Preah Ram cherche à se reposer. La nuit descend. Mais il ne trouve pas le sommeil. La présence sous le lit d’un être malfaisant exerce son influence néfaste. C’est comme « des milliers de trompes de moustiques ou de dards de guêpes » qui lui piquent le dos. Preah Laks mandé auprès de son frère, finit par découvrir le portrait de Rab. C’est sûrement de la magie noire! Preah Ram exige que l’auteur de ce dessin se dénonce. Silence tragique!
Menace d’une condamnation générale. Seta, alors pense que ce serait injuste et lâche de sa part, de laisser châtier les autres à sa place. Elle se désigne comme la seule coupable et raconte ce qui s’est passé. Preah Ram souffre. Une seule image s’impose à son esprit, celle de son rival, l’amoureux qui a gardé longtemps Seta dans son palais. Il n’y a plus aucun doute. La pure et fidèle Seta n’est en réalité qu’une femme perfide, aux noirs desseins.
Elle passe tout son temps à regretter son amant et à admirer son portrait ! Sa présence est donc nuisible ! Il faut la tuer puis rapporter son foie sans faute! Que Preah Laks exécute cet ordre! Seta ne peut se disculper. L’ardoise est là. Rab, tout souriant, pousse ses anciens vainqueurs dans le cycle de la haine et de la vengeance. Ils sont désormais emportés dans le tourbillon des causes et des effets de cette causalité inexorable. Pourtant Preah Laks hésite longuement à exécuter Seta qu’il sait fidèle, et de plus enceinte. Seta, désespérée le pousse à déclencher l’acte fatal en l’accusant de vouloir abuser d’elle, une femme dans la forêt, et de trahir ainsi son frère. Preah Laks lève l’épée. Mais l’image de la femme innocente et celle de l’enfant blotti dans son sein, empêchent son bras de frapper. Finalement l’image de l’ordre donné, chasse toutes les autres images, elle envahit le champ de la conscience.
Preah Laks ferme les yeux, tire son épée qu’il abat de toutes ses forces sur le cou de Seta, puis s’écroule évanoui. Oh quel prodige! Cette épée se transforme en guirlande de fleurs autour du cou de la condamnée. La pureté de Seta l’a préservée de la mort. Et c’est plutôt elle, qui se lamente sur le sortde Preah Laks tombé à terre sans connaissance. A la fraîcheur de la rosée, il revient lentement à lui, s’étonne que Seta soit encore en vie. Il se rend compte enfin du miracle, qui, après l’épreuve du « Bûcher de Lanka », atteste pour la seconde fois, l’irréprochable conduite de sa belle-sœur. Il se prosterne à ses pieds en lui demandant pardon. Elle le console, et au lieu depenser à son avenir à elle, Seta s’inquiète plutôt du retour de Preah Laks ne ramenant pas à son frère le foie, comme témoignage de son obéissance.
A cette pensée, Preah Laks se désole, mais préfère lâcher Seta, en la laissant partir où elle voudra. La souffrance des bons et des faibles monte jusqu’aux cieux, ouvre les yeux divins de Preah Indr, qui descend vite sur terre. Il prend la forme d’un cerf pour que Preah Laks lui ouvre le ventre et lui enlève le foie. Preah Ram trouve ce foie bien noir. Il le montre comme une preuve indéniable de la « noirceur » de Seta.
Après avoir ainsi sauvé Preah Laks,le dieu Indr se rend sur le chemin de Seta en train de pleurer seule dans la forêt. Il se métamorphose en buffle qui lui propose de la conduire jusqu’à l’ermitage d’un Rsi, Vijaprit. Recueillie par ce saint homme, Seta met au monde, peu de temps après, un petit garçon qui ressemble parfaitement à Preah Ram.
2. Les révélations de Ramlaks et de Jupalaks
L’ascète donne un nom au fils de Seta, celui de son père Ram et de son oncle Laks d’où Ramlaks, en souvenir de leur affection inaltérable. Un jour, Seta confie son bébé au Rsi pour aller faire la lessive au bord de la rivière. Une guenon arrive portant sur son dos un bébé-singe. Surprise, Seta demande à la guenon pourquoi emmène-t-elle partout son petit ? Ne pourrait-elle pas le laisser dormir ? Et la mère singe de répliquer: « Eh bien, je ne suis pas sotte comme toi, l’imprudente. En laissant seul ton bébé, n’as-tupas peur qu’on vienne te le voler ? » « Je l’ai confié à l’ascète, répond Seta ».- « As-tu confiance, demande la guenon, en un ermite profondément absorbé dans la joie du silence ? ».
Cette réflexion commence à tourmenter Seta. Inquiète, elle remonte vite à l’ermitage. N’osant déranger le saint homme dans sa concentration, elle entre tout doucement prend son bébé et retourne au bord de la rivière. L’ermite ayant perdu le fil de sa méditation, ouvre les yeux, ne voit plus le bébé dans son berceau et s’affole. Connaissant bien l’histoire de la pauvre Seta, il se désole. Si le bébé est vraiment perdu, que va-t-elle devenir ? Vite l’ascète dessine l’image de l’enfant, l’entoure de formules magiques et la présente aux flam-mes dans l’intention de créer, par ce procédé, un autre bébéi dentique au disparu. Mais Seta revient, portant son bébé dans ses bras. L’ascète lui reproche d’être venue le prendre sans l’avertir. Il s’apprête à effacer l’image de l’artifice. Mais Seta intervient pour le prier de continuer sa création afin, dit-elle, que son fils ait un frère avec qui il pourra jouer. L’ascète présente alors l’image à la magie du feu en récitant des incantations et lorsque les flammes s’éteignent, il en sort un bébé magnifique, tout vivant, et exactement semblable à son frère Ramlaks. Du fait de sa naissance, il portera le nom de Jupalaks (Jupa=projeter dans l’existence par l’artifice et non par la nature, et Laks en souvenir de Preah Laks qui a laissé sa mère partir vivante).
Les deux enfants grandissent auprès du grand-père Eisei (Isi) qui est aussi un grand Maître. Il leur enseigne tout ce qu’il faut savoir, en particulier l’art militaire. Il leur donne ensuite, à chacun, un arc merveilleux. Les deux frères demandent l’autorisation d’aller dans la forêt voisine pour se promener disent-ils; mais en réalité pour essayer leurs arcs. Les bruits provoqués par leurs tirs sont tels que la terre se trouve comme secouée. Preah Ram alerté, croit à l’arrivée d’ennemis très puissants. Les devins consultés conseillent « l’épreuve du cheval », pour déceler l’existence probable d’adversaires, ceux-là même qui oseraient monter sur le cheval au cou duquel est suspendue une lettre d’avertissement. Preah Bhirut et Sutrut suivi de Hanuman et d’une armée importante, accompagne le « cheval-test », qui avance seul, tandis que Hanuman se cache dans les taillis tout proches. Le gros des troupes demeure plus loin, en arrière avec Preah Bhirut et Sutrut. Les deux enfants ne connaissent pas « cet animal avec une longue queue. » Le voyant sans maître, Ramlaks, l’aîné, l’arrête, lit la lettre qui lui apprend que cette bête s’appelle « cheval » servant de monture. Vite, il saute sur son dos.
Surgit Hanuman qui essaie d’arrêter le cheval. Il se fait battre jusqu’à perdre connaissance. Ramlaks et Jupalaks s’amusent follement. Hanuman revient sous la forme d’un tout petit singe portant des fruits succulents pour les offrir au cavalier. Ramlaks le remercie et le félicite: « C’est très bien, tu es un gentil petit singe, tu ne ressembles pas à ce gros singe blanc de tout à l’heure. Il a voulu me faire du mal, je l’ai battu à mort ».Pour la première fois de sa vie Hanuman entend de telles injures sans oser rien dire. Plus encore, pour inspirer confiance, il s’insulte lui-même en applaudissant Ramlaks. « Décidément, dit-il, c’est un singe sauvage pour oser ainsi vous offenser, Seigneur. Qu’il meure donc, c’est ce qu’il mérite ». S’approchant de plus en plus près, il s’évertue à dire des paroles agréables pour tromper l’attention du cavalier. Profitant d’un moment propice, il recommence sa tentative de capture. Deuxième essai, deuxième échec. Hanuman ne sait pas encore à qui il a affaire. Le fils de Preah Ramest aussi puissant que sonpère. Cette fois encore, le singe, invincible jusqu’alors, tombe évanoui! L’aîné veut le tuer. Le cadet pense que ce singe doit appartenir à quelqu’un. Il vaudrait mieux le relâcher pour qu’ilretourne à son maître. Les deux enfants l’attachent avec une toute petite liane, mais nouée à l’aide de formules magiques.
Puis avec un style, ils inscrivent par tatouage, sur le front de Hanuman, la phrase qui ne s’effacera plus jamais: « Seul ton maître pourra te délier. » Enfin, ils le lâchent avec quelques giffles et coups de pied dans le derrière. Indescriptible est la souffrance de Hanuman. Plus il s’efforce de défaire les nœuds, plus ils s’enfoncent dans sa chair. Blessé sur les champs de bataille, même attaché avec des chaînes de fer à Lanka, il a toujours réussi à s’en tirer avec honneur. Maintenant avec des lianes, grosses comme un fil, des petits enfants réussissent à le ligoter! Mais plus insupportable encore est sa honte. Il n’est point besoinde gagner tant de batailles pour finalement se faire tatouer lefront par des « gosses ». Et dire que personne ne pourra effacerces tatouages, pas même Preah Ram! Humilié et meurtri, les mains liées, le front peinturé, Hanuman pleure. Il rencontre d’abord ses troupes qui le regardent ahuries, ensuite Preah Bhirutet Sutrut qui compatissent à son sort mais ne peuvent rien pour lui. Il ne lui reste plus que son maître, Preah Ram. Mais il hésite.
« J’ai honte de mes subordonnés et de mes soldats. Si je m’envole dans les airs, j’aurai honte des divinités. Si je marche par terre, j’aurai honte des hommes. Si je fends la terre pour marcher dedans, je rencontrerai encore moi-même et ma propre honte aussi immense que l’univers. Mais si je ne vais pas voir mon maître, je mourrai dans d’atroces souffrances ».(Page 8, Livret 77).
A Ayodhya, la vue de Hanuman, dans un état aussi piteux, provoque la stupéfaction. Preah Ram s’étonne que le vainqueur des Asuras et des Dieux se couvre maintenant d’un déshonneur qui dépasse en immensité celle de ses anciennes victoires. Pour Hanuman, l’humiliation est à son comble. Il reconnaît en effet que ses glorieuses expéditions, avaient toujours été dignes de la renommée de Preah Ram et que, jusqu’à présent c’était toujours dans l’honneur qu’il avait représenté son maître. Preah Ram délivre Hanuman et lui demande de retourner dire à ses frères Preah Bhirut et Sutrut qu’il faut sans faute avec les quatre corps de l’armée, capturer ces deux enfants. Un seul sera arrêté par suite de son imprudence, et encore après une cuisante défaite des poursuivants. C’est Ramlaks, l’aîné, que Preah Bhirut emmène captif à Ayodhya. Il doit être exécuté dans peu de temps.
Son frère, Jupalak sayant pu échapper, rapporte les nouvelles à sa mère. Seta pleure sur le sort de son fils, puis remet à Jupalaks son célèbre anneau. Par suite de sa ressemblance avec son frère, Jupalaks n’ose pas entrer dans la ville, de peur de se faire reconnaître. Mais une divinité déguisée en une jeune femme ravissante vient aider les deux enfants. Jupalaks lui confie l’anneau. Elle le met au fond de la cruche d’eau qu’elle porte au prisonnier. Les geôliers séduits par ses charmes, la laissent entrer dans la cage de fer. Le fils de Seta trouve ainsi l’anneau de sa mère, qui détruit par enchantement tous les liens, tous les obstacles. La déesse conduit Ramlaks jusqu’à son frère qui attend à la porte de la ville, puis disparaît. Les deux frères pleurent de joie de se retrouver, puis se retirent dans la forêt.
L’armée de Preah Ram lancée à leur poursuite les rejoint. Mais la bataille entre père et fils illustres finit par une reconnaissance mutuelle: Preah Laks, témoin des événements tragiques d’autrefois, raconte ce que s’est passé. Preah Ram exprime à ses enfants ses regrets et leur demande de le conduire près de leurmère. Il est prêt à se réconcilier avec elle. Et ce n’est pas sans réticences que les enfants, maintenant dépassés par les disputes entre père et mère, guident Preah Ram jusqu’à l’ermitage.
Venez nombreux découvrir la fabuleuse épopée du Reamker រាមកេរ្តិ៍, le Ramayana khmer le dimanche 19 janvier 2020 à la Scène Watteau, Nogent sur Marne
Quelques mots sur la représentation
Le Ramayana (Le Reamker en Khmer) est une grande épopée de l’Inde ancienne. Ecrite en sanskrit, elle raconte la vie du prince Rama, son exil et l’enlèvement de son épouse, la princesse Sita, par Ravana, le roi des démons. Mais également la bataille gigantesque entre l’armée des singes et celle du terrible Ravana.
Dans le Reamker I, la princesse Sita est enlevée par le démon Ravana. Son époux, le prince Rama, accompagné de son frère Laksmana et de Hanuman, le dieu-singe blanc, part à sa recherche. Il s’ensuit une bataille gigantesque entre l’armée de singes et celle du terrible Ravana.
Le Reamker 2 commence par cette bataille de libération de Sita. Une fois rentré au royaume d’Ayuthia, libre, le couple royal ne vit pas heureux longtemps car Ravana se venge et arrive à les séparer à nouveau.
Sita, enceinte, s’exile dans la forêt et trouve refuge auprès d’un ermite.
La princesse Sita élève seule ses deux jumeaux Ream-Leak et Chup- Leak….